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visuel edito hiver 2022

L'édito d'hiver

Lya E. Artur

Janvier 2022

À l’heure où les rues se désemplissent à la tombée de la nuit, où le froid décourage les plus aventureux d’entre nous, Let-Know Café laisse allumé son soleil en verre martelé et ouvre ses locaux pour réchauffer ceux qui le souhaitent et continuer le plus important : se rencontrer.

 

Let-Know Café, c’est avant tout le lieu d’un brassage humain sans identité culturelle particulière, qui rassemble dans un même espace des personnes venues de tous les horizons (soignant ou non, chercheur ou non …) pour explorer les dimensions du soin, de la conscience, de la poésie, de l’être ensemble. Et, précisément, Let-Know Café c’est aussi cela : ce rêve d’être ensemble autrement, d’entre-tisser des liens fraternels avec une communauté métissée où chacun est libre d’exprimer ce qu’il est ; de (re)distribuer la parole à ceux qui l’ont perdue ou ne l’ont jamais prise ; d’entremêler des regards qui cherchent aussi bien à capter le dehors du monde que son fond le plus intime – ce qui s’exprime dans le champ de l’intériorité, dans ses anfractuosités les plus profondes. Autant de vies, de visages qui se rassemblent et s’entrevoient dans la multiplicité de leurs formes, dans l’unicité de leurs pensées, dans la simplicité d’un échange qui s’autorise tantôt le désaccord sans que cela ne tourne à l’affrontement, tantôt l’accord, sans que cela ne dépassionne le débat. Foisonnement des visions, des opinions qui viennent éclairer des vérités plurielles, qui mettent en mouvement la question du sens, du soin, mais de manière toujours ouverte, hésitante, fluctuante. L’une des voies que nous empruntons, celle de la phénoménologie poétique, nous incite à penser que le regard est porteur d’une intention particulière, que la rencontre est le fruit de ce regard qui cherche à saisir un flux énigmatique, qui expose à l’immédiat, au surgissement de l’imprévu, à l’inconnu de l’altérité, à la transformation des mondes. Si bien que nous pouvons espérer, au fil des échanges, devenir autre, naissance de l’autre en soi, « concert de voix du monde, entretissant par la suite des voix joignant tous les bouts de l’humanité » (Frosin).

Ici, chacun est invité à franchir cet écart entre les mondes dans un jeu de révélation mutuelle où la puissance de nos représentations sur l’autre vacille dans l’avènement de la rencontre : un avènement dont le mouvement inaugural se rapprocherait peut-être de la curiosité, ou d’un questionnement incessant qui viserait d’abord à « laisser apparaitre » ce qui peut émerger d’un être, d’une parole ou d’un signe de présence qui se ferait jour dans sa dimension la plus sensible. Laisser un espace disponible à la rencontre suppose d’abandonner nos prétentions à poser un sens déterminé sur ce qui est manifesté à un instant donné, pour laisser place à l’insondabilité (Plessner), à cette nécessité impérieuse de revenir au mystère qui nous entoure, à l’étonnement poétique et la capacité de se laisser surprendre par ce qui nous échappe. Se rencontrer à l’endroit même de notre ignorance nous permet de poser un principe d’incertitude sur ce que nous sommes, de quitter les évidences premières et reconnaître l’abîme qui nous sépare des êtres et nous permet en même temps de nous en approcher ; car, une fois que nous sommes désencombrés de nos savoirs, de nos présomptions, une fois que « l’échafaudage de nos pensées s’est effondré » (Bonnefoy) et que nous n’avons plus de fondement assuré, le vide qui reste et nous tient lieu de tout nous livre un passage plus naturel pour entrer en résonance avec le vivant, libérer notre attention, nous décentrer des préoccupations habituelles pour donner forme à une recréation du réel. En ce sens, le vide favorise la porosité des êtres et la possibilité d’existences entre eux. C’est ainsi que le lieu s’anime, au sens étymologique du terme, qu’il « donne de la vie », un souffle révélateur, une occasion de renouveler notre présence au monde dans la circulation du lien. Qu’est-ce qu’une rencontre, si ce n’est « « le moment axial » à partir duquel la vie ne sera plus jamais la même*» ? À partir duquel chacun peut déployer ses possibilités d’être pour découvrir en lui des dimensions inconnues, secrètement délaissées, encore toutes repliées dans leur premier sommeil ?

 

 * P. TEMPELS, Notre rencontre, Léopoldville, Éditions du Centre d’Études Pastorales, 1962

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