L'édito des thés de Let-Know Café
Emmanuelle Mellon-Barraud
été 2024
Le printemps n’en a pas fini d’être arrosé… de cette pluie comme d’une encre qui a donné à la terre de se dire, avec ses plus beaux verts et ses couleurs jaillissantes. Un printemps poétique à la « Prévert » ! Un printemps foisonnant qui a eu du mal à céder la place à l’été mais qui nous a offert une terre « nubile qui déborde de sang » nous dirait Rimbaud. Par endroit, les potagers sont restés trop gorgés d’eau pour y repiquer les semis. La nature est sauvage et semble vouloir rester maître de l’ouvrage.
Voici venu le temps de l’été, la chaleur va nous envelopper, nous poser, nous dilater, nous disposer, et réveiller peut-être de nouveaux sens avec un temps qui prend son temps.
Avec cet édito, une invitation à entrer dans l’été comme on entre à Let Know Café, ou plutôt comme on en sort…ou peut-être comme on y demeure le temps d’une rencontre.
De l’édito « d’été » comme de l’édito « des thés »
À Let-Know Café, quand le soir vient à tomber, le lieu du soin se transforme en lieu de recherche, de partage et de convivialité.
À chaque nouvelle soirée, un thé, un nouvel arôme : celui de la danse du souffle, de l’invisible du soin, de l’art de la toilette, du possible de la poésie, de la politique et du jeune Hölderlin, du sauvage… Un nouveau parfum qui vient stimuler quelque chose en nous, dégager une nouvelle saveur : celle du poèTe, du phoTographe, de l’éducaTeur, de l’infirmière formée au Tact, de l’anThropologue, du véTérinaire….
Un invité offre un témoignage comme le thé est offert pendant la cérémonie : l’eau chaude mélangée aux feuilles a préalablement infusé dans la théière, à chaque spécialité son temps d’infusion, les bols se remplissent avec la force d’une cascade, ou la délicatesse d’un ruisseau ; les invités accueillent l’exhalaison et se laissent désaltérer comme parfois les Touaregs en plein désert… Mouvement de descente et d’élévation. Le thé chaud est versé, la fumée s’élève. Laisser descendre en soi ce qui se donne à entendre et laisser remonter l’écho qui se fait.
À Let Know Café, pas de place attitrée : être à la fois celui qui verse et celui qui reçoit, celui qui diffuse et celui qui infuse, le contenu et le contenant. Entrer dans la réciprocité.
Le silence est parfois convié : il donnera toute sa place aux autres sens, à la présence : de l’hôte, de l’invité, de la théière, du thé choisi, de l’eau préparée, du foyer allumé, du parfum, du temps donné et offert, de la table qui rassemble.
Entrer dans la cérémonie du thé, comme dans un temps de reconnexion aux traditions anciennes, pour aborder plus paisiblement notre monde parfois trop bruyant, trop grouillant, trop superficiel et artificiel… Explorer l’« infini-thé » du prendre soin. Être présent, attentif à ce qui se donne et s’ouvre de nouveau, se dilate et s’accroît. Chercher, ensemble et savourer. Élargir le champ de nos visions.
Alors oui, invitation à entrer dans l’été comme une invitation à des temps de convivialité, de réciprocité. Des temps de reconnexion. Des temps de silence. Du mouvement intérieur autant qu’extérieur. Entrer dans la découverte ou la re-découverte d’un lieu que l’on croit connaître, ou de celle ou celui avec qui l’on habite et que l’on a jamais fini de découvrir, comme un apeirogon : un polygone généralisé ayant un nombre infini de côtés, de facettes… Prendre soin de soi, de l’autre, du vivant.
Entrer dans l’été, réveiller nos sens, laisser infuser pour mieux diffuser tout au long de l’année, : le prolongement d’un soupir, ou le clapotis des vagues, la force et la sensualité de l’escargot qui fait le funambule sur un brin d’herbe ou la force du brin d’herbe qui accueille le poids de l’escargot, ouvrir les yeux sur les petits miracles de la vie comme « l’héroïque insurrection d’une lumière poussant ses bataillons au-delà du feuillage serré d’une chêne » pourrait nous dire Bobin.
Entrer dans l’été et faire quelques pas avec les Sensations…de Rimbaud
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
Mars 1870
Arthur Rimbaud, Poésies
Que tous nos sens entrent dans la danse !
Merci à Let-Know Café de nous y convier.
Bel été à chacun !