La bonne fée Théorie pour une vie plus belle !

Pendant ces dix premières années, le travail de recherche de Let-Know Café a été dédié à fouiller les livres de théorie et visiter la pensée des auteurs qui semblent nous dire comment faire. Nous avons ramé dans ces eaux-là, souvent submergés, souvent grisés, presque toujours en solitaire. Nous avons résisté à l’influence des chants de belles sirènes qui nous invitaient à laisser tomber les pages obscures pour aller pratiquer contre leurs seins une approche plus charnelle. Ce temps dédié à la théorie était un temps indispensable nous qui voulions être chercheurs, ou mieux encore, explorateurs. Faire de la recherche sur le soin, c’est nous l’avons dit bien souvent, comprendre comment le champ du soin va bien au-delà du petit pré dont notre conscience a connaissance. Le champ du réel est toujours bien plus grand que le chant de notre propre réalité. Et les auteurs incompréhensibles de prime à bord le sont précisément parce qu’ils parlent d’un autre champ, de la réalité d’à côté, du lieu qui une fois visité va agrandir notre univers. Et d’une belle façon, car ces découvertes nous offrent la nouveauté, des perspectives inédites, une vue originale. Ce que soigner veut dire s’expand. Le soin s’enrichit de possibles. Quelques maux égarés vont pouvoir être soulagés grâce à la bonne fée Théorie. Quoi de mieux pour notre grand travail que de se donner la possibilité de soulager quelques-uns ?

Mais notre idée est bien d’aller au final dans la pratique. Nous l’investissons de plus en plus. Nous explorons pour cela les mers plus proches de la terre ferme, les théories directement liées au soin, notamment le soin « psy » académique et conventionnel. Sans délaisser la voix de nos propres neurones, nous cherchons des alliés et des inspirateurs. Mais trop familiarisés avec d’autres univers, il est vrai que nous peinons à trouver résonance dans les théories du soin classique. Certains courants semblent cependant partager avec nous un sens commun. Nous avons fait une soirée le 13 novembre 2023 autour de la Gestalt-thérapie et ses invitations à l’ajustement créateur. Nous nous sommes réunis autour de l’art de la toilette, de l’écoanxiété, du soin par la forêt et de ceux qui tombent du nid. Il y a aussi un homme Marshall Rosenberg, qui semble aller plus précisément dans le sens du soin poétique que nous visons. Il est du métier, psychologue clinicien et chercheur en psychologie. Il s’est fait connaître en élaborant ses théories de la Communication Non Violente, avec ses écoles girafes et ses médiations dans les régions les plus conflictuelles du monde. Ce qui nous intéresse chez lui, c’est par exemple son entêtement à ne pas passer par le diagnostic. Quand le docteur Rosenberg reçoit un patient ou sa famille, et que ceux-ci évoquent un diagnostic, il freine net : « Stop, ne me dites pas. Cela ne m’intéresse pas de connaître le diagnostic que l’on vous a fait. Plus j’entends de diagnostics à votre sujet, plus il va m’être difficile de me mettre en lien avec votre humanité, votre propre beauté. » Il invite à mettre toute notre attention de soignant sur ce qui apparait du soigné, sur ce qu’il ressent, sur ses besoins, sur les sentiments qu’il inspire. Comment rester en contact avec la vie en lui, en nous ? Quelle initiative pourrait lui rendre la vie plus belle ?

Refuser le soin de l’autre par l’approche pathologique, refuser l’autre comme un être défaillant qu’il faudrait réparer, voilà là une voie de recherche pour Let-Know Café. 

Jean Faya