Nouvelle de recherche : on fait comment la recherche par chez nous?
Jean Faya
été 2024
Alors, quelles nouvelles de recherche vous donner en ce début d’été ? Peut-être vous dire cette fois ce que c’est pour moi faire de la recherche et comment je m’y prends ? Faire de la recherche pour moi, c’est chercher. Chercher pour moi, c’est être un chercheur. Et un chercheur qui cherche car il n’a pas trouvé. J’ai connu bien des personnes qui se donnaient le titre sans en avoir la fonction. J’ai croisé bien des chercheurs qui n’ont jamais eu l’idée de se donner ce titre. Chercher sur le soin, c’est chercher à trouver comment soigner différemment, autrement. Le moteur est pour moi l’insatisfaction : celle qui me dit que je soigne mal ou en tout cas que je pourrais mieux faire, bien mieux faire. Si j’étais convaincu que tout va bien dans mon soin, j’aurai trouvé la voie, et je n’aurais plus besoin d’être un chercheur (humm, ce serait le repos enfin…). Alors pour chercher comment bien ou mieux soigner, il faut que je comprenne comment je vois le soin, comment je l’aborde. Puis il faut que je comprenne que je le vois et je l’aborde toujours de la même façon, façon façonnée par ma personnalité, ma culture, mon parcours, mes études. Alors, il faut je me projette hors de ces schémas, hors de ces automates intellectuels, dans d’autres univers, d’autres philosophies. Mon maître me l’a dit : chercher, c’est aller dans les endroits incompréhensibles. Ce qui est incompréhensible de prime abord est la voie, non que ce soit plus compliqué ou plus intelligent que le reste, mais parce que c’est étranger, inconnu, donc c’est le lieu des découvertes. Pour trouver l’incompréhensible, il faut être à l’affût, curieux, écouter les appels, vous vous souvenez, la magie qui vous tourne autour. Un exemple ? Je travaille en ce moment avec les amies, sur l’idée que pour soigner, on peut inviter le malade à ce que son corps devienne un corps poésie. Une intuition. Qu’est-ce qu’un corps poésie ? Je ne sais pas bien. Alors, cherchons, fouinons, écoutons. Un texte me tourne autour depuis quelques mois. J’en entends parler de ça et de là : « De l’origine de l’œuvre d’art » de Martin Heidegger, le texte d’une conférence prononcée en 1935, un an après sa démission du poste de recteur de l’université de Fribourd, premier acte de rupture du philosophe avec Adolphe Hitler. Tiens, pas banal. Je lis le texte une fois, puis deux. Au lieu d’un discours de politique, il est dit que l’origine de l’œuvre d’art se tient dans le lieu du conflit entre la Terre et le Monde. La Terre, celle qui donne et qui aussitôt reprend, et le Monde, qui lui a besoin de choses à accompagner dans son cortège de phénomènes. La capacité de l’œuvre d’art à rester dans l’ouvert est le lieu du conflit… Incompréhensible ! Parfait ! Donc nous sommes donc au bon endroit. Mais, pas de panique, cogitons simplement, laissons venir (la magie ;-))… Et si l’œuvre d’art dont parle Heidegger était le corps poésie dont je parle. Relisons le texte dans cette nouvelle lecture. Je lis alors « L’instauration de l’Être-corps du corps-poésie est un projet libérateur, mais aussi un commencement ». Humm, toujours malcompréhensible, mais des idées affleurent : et si pour soigner, il fallait instaurer l’être-corps ? Et si instaurer l’être-corps était une fois instauré un projet libérateur, ou mieux encore, un commencement ? Une guérison ? Filer l’incompréhensible pour tisser une compréhension, c’est cela pour moi faire de la recherche à Let-Know Café !
JF
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