Nouvelle de recherche : Le lien et le non lien
Jean Faya
Hiver 2023
J’ai échangé récemment avec un ami psychiatre autour de l’article d’un ouvrage à paraître bientôt, sous-titré, « Soigner par l’entrelacs ». Ce texte conte une histoire de soin où je suis allé plus loin dans le lien thérapeutique que dans les habitudes prônées par la tradition médicale. Le psychiatre me demande : «Quelle limite mets-tu dans le lien à tes patients ?» Très bonne question. Je lui dis : sûrement celle que peut accepter le lien thérapeutique, soit de toujours avoir profondément l’intention de prendre soin, d’être et rester soignant, celle que demande l’exigence de chercher des solutions, des possibles pour aller mieux. Mais ne pouvons-nous pas retourner la question à la médecine : «Quelle limite met la médecine au non-lien avec les patients ?». On a parfois l’impression dans le soin médical, d’une délégation de plus en plus marquée du lien thérapeutique vers des subalternes : le médicament (tu es malheureux ? prends un antidépresseur), le diagnostic (tu es différent ou perdu dans ta vie ? tu es TDAH, HPI, ou Apserger), la technique (tu as des troubles de mémoire ? fais une IRM).
Pourtant, entre le lien et le non-lien, il ne devrait pas y avoir d’hésitation pour soigner. Pour Husserl, connaître l’autre, c’est s’accoupler, s’apparier avec lui ! On ne peut soigner sans connaître. Et s’apparier, c’est créer un monde commun, de nouveaux possibles, des opportunités partagées de soin et pourquoi pas une guérison. S’apparier entre deux ou plusieurs humains, s’apparier par le regard du chat, s’apparier par ce que nous dit la caresse du vent. Dans quelle mesure et jusqu’à quel point le lien soigne ? C’est là une des questions de recherche de Let-Know Café !
JF